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Quand le travail intermittent ne pouvait pas résulter d’un accord de groupe

Une décision de la Cour de cassation rendue le 3 avril 2019 à propos du travail intermittent met en relief les bouleversements apportés aux accords collectifs par les réformes intervenues ces dernières années. En effet, cet arrêt interdit de mettre en place le travail intermittent par accord de groupe. Mais il prend soin d’ancrer son raisonnement dans la législation antérieure à la loi « Travail » du 8 août 2016.

Le travail intermittent permet de pourvoir par un CDI un emploi permanent mais caractérisé par une alternance de périodes travaillées et non travaillées. Pour recourir à ce régime d’exception, l’entreprise doit avoir conclu un accord collectif d’entreprise ou d’établissement relatif au travail intermittent ou, à défaut, pouvoir se prévaloir d’un accord de branche étendu (c. trav. art. L. 3123-33).

Dans cette affaire, une entreprise employait un agent de sécurité depuis 2011 dans le cadre d’un contrat de travail intermittent, en application d’un accord de groupe datant de 2009. Licencié en 2015, le salarié réclamait notamment la requalification de son contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet, au motif que l’entreprise ne pouvait pas s’appuyer sur un accord de groupe pour recourir au travail intermittent.

La cour d’appel confirme cette interprétation, ce qu’approuve la Cour de cassation : selon les dispositions applicables à l’époque des faits, un accord de groupe ne pouvait valablement permettre le recours au travail intermittent (c. trav. art. L. 3123-31, dans sa version antérieure au 10 août 2016). Le contrat de travail intermittent devait donc être requalifié en contrat à temps complet.

La Cour de cassation prend cependant soin de se référer aux anciennes règles, car la solution ne serait vraisemblablement pas la même aujourd’hui.

Certes, la législation actuelle ne fait pas non plus référence à l’accord de groupe. La seule différence par rapport au régime antérieur réside dans le fait que le code du travail confère à l’accord de branche étendu un caractère subsidiaire, puisqu'il ne s’applique qu’à défaut d’accord d’entreprise ou d’établissement (c. trav. art. L. 3123-33 ; loi 2016-1088 du 8 août 2016, art. 8, JO du 9).

La réforme est ailleurs et dépasse la question du travail intermittent : la loi « Travail » (ou « El Khomri ») a en effet posé pour principe que toutes les négociations prévues au niveau de l’entreprise pouvaient être engagées et conclues au niveau du groupe dans les mêmes conditions, sous réserve de certaines adaptations (c. trav. art. L. 2232-33). C’est donc en vertu de ce principe que, à notre sens, depuis le 10 août 2016, le travail intermittent peut également résulter d’un accord de groupe.

Ajoutons, dans un souci d’exhaustivité, que la loi « Travail » permet exceptionnellement aux entreprises appartenant à des branches, définies par arrêté, où le travail saisonnier est particulièrement développé de pouvoir ces emplois saisonniers par des contrats de travail intermittent sans accord collectif, après consultation des élus du personnel. Cette expérimentation prendra fin le 31 décembre 2019 (loi 2016-1088 du 8 août 2016, art. 8, JO du 9). Mais l’entreprise en cause dans cette affaire ne s’inscrivait naturellement pas dans ce dispositif.

Cass. soc. 3 avril 2019, n°17-19524 FPPB

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